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Histoire naturelle des orangers

21 mars 2011
ZOOM : Le plus bel ouvrage consacré aux orangers.

L'ouvrage de RISSO et POITEAU, Histoire naturelle des orangers, conservé à la Bibliothèque Requien, est un véritable joyau de bibliothèque Requien !

RISSO (A.) et POITEAU (P.A.) Histoire naturelle des orangers. Paris, Hérissant, 1818 (1822), in folio de 2ff. n.ch., 280pp. et 109 planches gravées en couleur, demi-maroquin de l'époque.

Un des rarissimes exemplaires en grand papier, de format in-folio.
Edition originale.
Nissen 1640 ; Dunthorne 263 ; Stafleu 9248 ; OCLC 8780479
(bibli. Mus Requien, in-folio 130)

Planches extraite de l'ouvrage

L’ouvrage.

Un des rarissimes exemplaires en grand papier, tiré en in-folio [44 cm] de ce magnifique ouvrage dédié à la Duchesse de Berry. Divisé en 16 chapitres, il se compose de 2 ff. n.ch. (faux-titre et titre), de 280 pages et 109 planches dessinées par Poiteau, gravées au pointillé, imprimées en couleur et finies au pinceau. C’est le plus bel ouvrage consacré aux orangers et l’un des plus beaux aux fruits.

Après l’histoire (aussi bien dans le temps que dans l’espace), les caractères généraux et la classification des orangers et avant les principes de la culture et de l’entretien de ces arbres, c’est la description des espèces connues des auteurs.

La présentation de l’espèce comprend successivement : nom vernaculaire, nom scientifique, diagnose latine, synonymes, description proprement dite, écologie et conditions de vie de l’espèce, remarques sur les synonymes et les études des auteurs antérieurs.

La description spécifique, toujours très concise (scientifique), concerne la fleur, les feuilles, le fruit bien sûr, mais aussi le port général de l’arbre, son développement, la texture du bois et de l’écorce ainsi que celle de la pulpe et des graines.

Mais plus que les descriptions, ce sont les planches qui retiennent toute l’attention et qui font de cet ouvrage un joyau de bibliothèque.
Pour presque toutes les espèces représentées (elles ne le sont pas toutes), un rameau floro-fructifère est représenté ainsi que le fruit coupé en deux. Certains fruits démesurés (cédrat) sont représentés seuls et rares sont les cas où deux planches sont consacrées à une même espèce. Joyaux disons-nous car le dessin est d’une terrible précision quand on sait la difficulté qu’il y a à rendre intense le repliement des feuilles sur elles-mêmes. Joyaux aussi car les graveurs et aquarellistes ont su trouver les tons exacts des verts des feuilles, des oranges et des jaunes des fruits et des pulpes mais plus encore des blancs. Les blancs soyeux balayés d’une idée de rose des fleurs piquetées de minuscules trouées translucides ; les blancs crayeux et fibrillaires des fruits.

Les chapitres introductifs permettent de suivre les pérégrinations de l’oranger et quelques autres rutacées depuis leur lieu de naissance jusqu’en Europe. Risso en profite aussi pour rappeler qu’avant lui Ferrarri et Matthiole ou Aldrovandi avaient également fait une large part aux agrumes dans leurs ouvrages respectifs. Cela lui permet aussi de corriger certaines erreurs de ses prédécesseurs, chose qu’il reprendra de manière ponctuelle lorsque cela sera nécessaire dans les descriptions spécifiques.

On serait bien en peine aujourd’hui de retrouver, même sur les marchés de Nice et Menton, la plupart des espèces décrites par Risso et illustrées par Poiteau. Bien sûr, nombre d’entre elles n’étaient que des cultivars ou des hybrides naturels suffisamment stables pour être pris pour de véritables taxons. Devant la prolifération de formes à laquelle il avait à faire, Risso dû recourir à une nomenclature polynominale et tout un florilège de noms vernaculaires d’où la poésie n’est parfois pas absente : Bigaradier riche dépouillé, Bigaradier à fruit corniculé (une monstruosité !), Oranger pommier d’Adam des parisiens ( !), Oranger imbigo, Limonier rossolin, Limonier Perrette de Saint-Domingue, Limonier bignette, Limonier barbadore sans oublier le Limonier paradis car, nous dit une légende, chassés du Jardin d’Eden, Adam et Eve parcoururent la Terre à la recherche d’un nouveau Paradis. C’est la région de Menton qu’ils choisirent et où ils plantèrent un fruit volé dans le Jardin béni. Ce fruit, c’était un agrume et c’est pour cela que la Riviera est une terre privilégiée pour leur culture.

Les auteurs.

Antoine RISSO (1777-1845)

Ce naturaliste niçois, contemporain d’Esprit Requien, se passionne comme lui pour la botanique, dès l’âge de 11 ans, sous la tutelle du professeur Giovanni Battista Balbis. Il fréquente durant sept ans la compagnie d’Augustin Balmossière Chartoux, apothicaire qui avait réalisé le premier herbier de la région niçoise vers 1780. A l’âge de vingt-six ans, le voilà pharmacien, profession qu’il exerce jusqu’en 1826. Il installe son officine dans sa ville natale et fournit les médicaments aux divers officiers de santé de la région et des régiments militaires. Il enseigne ensuite les sciences physiques au lycée de Nice et enfin la chimie médicale et la botanique pour les étudiants des écoles de médecine et de pharmacie à partir de 1832.
Il herborise mais sa vive curiosité le conduit vers l’observation des poissons. Il publie en 1810 : « Ichtyologie de Nice ou Histoire naturelle des poissons du département des Alpes-maritimes » avec 11 planches représentant 40 poissons nouveaux. Il découvre un grand nombre d’espèces tout à fait inconnues des zoologistes de l’époque. Trois ans plus tard paraît « L’Histoire naturelle des crustacés des environs de Nice ».
Sa réputation de scientifique étant déjà établie le Ministère de l’intérieur prend contact avec lui, en 1811, pour établir un rapport sur les limites de la culture des oliviers et des orangers dans la région de Nice. Risso compose une réponse intitulée : « Mémoire sur l’histoire naturelle des orangers, bigaradiers, limetiers, cédratiers, limoniers ou citroniers cultivés dans le département des Alpes-Maritimes » qui sera publié en 1813 dans les Annales du Museum (4° 43. n° 20 . p. 169 212 et 401-431) avec 2 planches en noir et blanc : oranger de Nice et cédratier de Provence. Ce petit ouvrage constitue un prélude à celui dont il est question aujourd’hui : « L’histoire naturelle des orangers ». En mai de cette même année, Risso se rend à Paris pour la première fois et y rencontre l’illustrateur Pierre Antoine Poiteau, déjà connu. Il y réside pendant 4 mois. Grâce à ce double talent de la description méthodique moderne et de la représentation iconographique, la publication de « L’histoire naturelle des orangers » débute en 1818 jusqu’à 1822 avec 19 livraisons. La dédicace est offerte à la Duchesse de Berry, originaire de Sicile, qui a soutenu la souscription de cet ouvrage. En 1830, il enrichit le jardin d’horticulture de la chambre royale dont il a la charge avec une plantation de milliers d’arbres fruitiers et y cultive l’année suivante, 42 variétés de pommes de terre. A ses rares heures de loisir, il joue de la flûte et de la contrebasse. Ses goûts artistiques le feront nommer en cette même année administrateur du théâtre de Nice à cause de son intégrité et de son dévouement.

Il décède le 24 août 1845, à l’âge de 68 ans, alors qu’il travaille à l’impression d’une « Histoire naturelle des figuiers », (en trois volumes, avec cent planches) avec la reconnaissance et le respect du monde scientifique auquel il appartient en tant que membre correspondant ou associé à trente et une Académies ou Sociétés savantes, parmi les plus importantes, citons celles de Turin , Genève, Marseille, Florence, de la société philomatique de Paris, des naturalistes de Genève. Pour terminer, voici le regard bienveillant et réaliste du professeur Théodore Monod qui a étudié avec attention les travaux du naturaliste niçois :
« Aujourd’hui, il est devenu possible de voir les choses avec plus de sérénité et d’en juger plus équitablement. Il n’est pas niable que certaines des critiques adressées à Risso aient été justifiées. Un homme travaillant seul, en amateur, loin des grandes bibliothèques et sans collection de référence, et prétendant en même temps toucher à toutes les sciences naturelles, courait un risque certain : celui de rencontrer sur leur propre terrain des savants plus étroitement spécialisés, et, dans le domaine de leur discipline, évidemment plus compétents. Si l’on ajoute à cela ce que nous a toujours enseigné le comportement des Hominiens, à savoir leur médiocre sympathie pour le concurrent ou l’intrus et leur pugnacité dans la défense du territoire, on comprendra sans peine des réactions comme celles de Bourguignat pour la malacologie, de Notaris pour la botanique et vice-versa, par contrecoup, la vivacité des réactions d’une susceptibilité niçoise blessée par l’autorité de certains pontifes parisiens ».

Pierre-Antoine POITEAU (1766-1854)

Il naît le 23 mars 1764, à Ambleny, près de Soissons dans l’Aisne dans une famille très modeste. Sa longue existence se passe à étudier, à enseigner la botanique et l'horticulture.
Après avoir été employé pendant quelque temps chez les maraîchers des environs de Paris, il entre au Museum National d’Histoire Naturelle de Paris comme Jardinier à l’âge de 24 ans, avec l’accord d’André Thouin qui a remarqué ses talents. Conscient de son manque d’instruction mais doué d’une solide ambition et d’une mémoire prodigieuse, il étudie les déclinaisons latines et la grammaire française afin de mieux comprendre l’ouvrage de référence de l’époque : le Systema vegetabilum de Carl von Linné. Il continue à se former au niveau peinture, en particulier auprès du peintre de cette vénérable institution : Gérard van Spaendonck.
Contrairement à son collègue Risso plutôt casanier, Pierre-Antoine Poiteau adore les voyages dont il n’ignore pas les difficultés mais qu’il parvient toujours à surmonter habilement pour assouvir sa curiosité botanique et scientifique. En 1796, il commence par Saint Domingue (colonie française depuis 1670), dans un climat assez tendu : l’abolition de l’esclavage vient d’être signée en 1791. Il se retrouve emprisonné dès son arrivée car il ne possède pas les papiers pour justifier sa mission ! Un commissaire passionné de botanique et disposé à utiliser ses talents, le prend sous sa protection et lui offre de financer la création d’un jardin botanique. Malheureusement, Poiteau tombe gravement malade et perd son financement. Cependant, le soutien d’un général des Etats-Unis lui permet de réaliser son travail. Il retourne en France en 1802 avec d’importantes collections, dessins et manuscrits de ses découvertes (600 paquets de graines, 1200 espèces dont 97 champignons et 30 de mousses), le tout dûment répertorié et dénommé avec précision. En 1815, il est obtient un poste aux pépinières royales de Versailles. Mais deux ans plus tard, toujours animé par son esprit d’aventure, il se retrouve en Guyane où il supervise les cultures des habitations royales. A son retour, en 1822, il devient successivement, jardinier en chef du château de Fontainebleau, du jardin botanique de l’école de médecine, du jardin du Museum d’Histoire naturelle auquel il offrira tous les animaux et plantes rapportés de Guyane. C’est durant cette période qu’il commence l’illustration du livre de Risso ! Ce travailleur infatigable a t-il utilisé les aquarelles commandées par le Comte et diplomate Gallesio qui désirait publier un « Traité des citrus », paru en 1811 mais sans planches ?

Malgré ses multiples occupations, il s’entoure de collaborateurs sérieux et publie les ouvrages suivants :
« Traité des arbres fruitiers » de Duhamel du Monceau, nouvelle édition avec Turpin, 1807 [Bibl. Mus. Requien, in folio 197].
« Flore parisienne contenant la description des plantes qui croissent naturellement aux environs de Paris » avec Pierre Jean-François Turpin, en 1813 (8 livres) [Bibl. Mus. Requien, in folio 140].
« Le jardin botanique de l’école de médecine de Paris et description des plantes qui y sont cultivées », en 1816.
« L’Histoire naturelle des orangers » 109 planches, avec Risso de 1818 à 1820.
« L’Histoire des palmiers de la Guyane française » en 1822.
« Le voyageur botaniste » en 1829.
« Mémoire tendant à faire admettre au nombre des vérités démontrées la théorie de Lahire sur l’origine et la direction des fibres ligneuses dans les végétaux », en 1831.
« Sur la culture de la patate, rapport d’une commission ». 1835.
« Pomologie française ou recueil des plus beaux fruits cultivés en France », en 1846 (4 volumes)
« Cours d’horticulture » de 1848 à 1853.


Il participe aussi à l’illustration de certaines planches d’un autre ouvrage remarquable de la bibliothèque du Musée Requien : « Plantes équinoxiales recueillies au Mexique, dans l'Isle de Cuba, dans les provinces de Caracas, de Cumana et de Barcelone, aux Andes de la nouvelle Grenade, de Quito et du Pérou, et sur les bords du Rio-Negro, de l'Orénoque et de la rivière des Amazones par Al. de Humboldt et A. Bompland » [Bibl. Mus. Requien Atlas 35].
A partir de 1818, il est rédacteur en chef des Annales de la Société Centrale d’Horticulture, poste qu’il occupe jusqu’à l’âge avancé de 82 ans ! Il dirige aussi la publication de l’almanach du « Bon jardinier » de 1825 à 1844 [Bibl. Mus. Requien, in 8° 1345, 1347, 1348], enseigne à l’Institut agricole de Fromont. Il s’éteint à Paris, le 27 fèvrier 1854 dans sa 90ème année. Pierre Larousse parle de lui comme un « savant qui a découvert beaucoup d’espèces de végétaux et qui a beaucoup fait pour l’amélioration des fruits de table ». Comme artiste, ses lithographies aquarellées sont recherchées des amateurs, encore aujourd’hui, 156 ans après sa disparition : les 425 aquarelles originales de « La flore parisienne », rédigée en collaboration de Turpin, (204 par Poiteau, 207 par Turpin, 10 non signées) ont été vendues en bloc par Pierre Bergé aux enchères du 7 décembre 2006.

MH Grabié, Ph. Sérignan, P. Moulet

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