Séance du 20 novembre 1916
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Vente de vieux papiers.
Meubles laissés en gage.
Cadre pour le portait de M. Maurice Barrès.
Ventes d’anciens phares.
Legs Mariétion.
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Séance du 20 novembre 1916 ____________
Présents : MM. Digonnet, J. Bonnet, H. des Isnards, Biret, Neuvialle
M. Digonnet expose que les remaniements opérés dans la Bibliothèque ont fait découvrir dans un dépôt au fond de l’aile sur la cour de service un amas de vieux catalogues de commerce (Libraires etc.) dont le Musée avant la guerre recevait journellement des envois de divers centres de France et de l’étranger. Entassée depuis de longues années, cette publicité exclusivement commerciale qui n’offre aucune espèce d’intérêt constitue une masse considérable et encombrante dont, vu le haut prix actuel des vieux papiers, il y aurait avantage à se défaire ainsi que de liasses de vieux journaux et autres papiers d’emballage. M. Digonnet avec l’aide de MM. Auguste et Louis Binon a minutieusement examiné toutes les liasses et paquets pour s’assurer que rien d’intéressant ne se fut glissé dans ces papiers mis au rebut depuis si longtemps. Néanmoins, il serait heureux si ses collègues voulaient également les examiner. M. Neuvialle veut bien se charger de ce soin. La dernière locataire qui a précédé M. l’Abbé Vallet dans la petite maison Lajard, rue du Collège d’Annecy, étant partie pour les Indes sans payer ce qu’elle devait, nous a laissé en garantie les meubles qu’elle possédait. Elle avait promis de les reprendre à son retour contre paiement de sa dette qui est d’environ 200 fr. Dans l’impossibilité où se trouve l’Administration de réaliser le gage sans des formalités de justice qui en absorberaient la valeur, le Conseil décide de le déposer dans une des petites chambres mises à notre disposition dans le deuxième étage du collège de filles. M. Rondel ayant bien voulu faire don au Musée Calvet d’une toile de sa main représentant M. Maurice Barrès à sa table de travail et qui avait figuré avant la guerre au Salon de la Société nationale, il était nécessaire de faire l’acquisition d’un cadre. A cet effet, nul mieux que l’artiste lui-même ne pouvait donner un avis. Il nous a écrit qu’il avait trouvé chez un marchand de tableaux un cadre et un palissandre n’ayant servi que pour une exposition et tellement bien assortis à sa toile qu’il avait cru devoir saisir cette occasion et qu’il l’avait acquis pour 150 fr. Il ajoutait d’ailleurs qu’il garderait cette acquisition pour son compte et s’en servirait pour une autre de ses œuvres si l’offre de nous le rétrocéder n’était pas acceptée. Le Conseil délibère d’acquérir le cadre à ce prix et de faire écrire en ce sens à M. Rondel par notre trésorier, M. Rondel, qui préparera à cet effet les pièces de comptabilité. Mademoiselle M. Pellechet, dont notre Administration a si vivement regretté la perte, avait bien voulu faire don au Musée de deux grands phares pour le chauffage de la grande galerie de tableaux. Malheureusement, quelque fut la puissance de ces appareils de chauffage les plus gros de genre, c’est à peine si, avec une énorme dépense d’anthracite, le cube d’air trop considérable était élevé de deux degrés sur la température ambiante. Ce faible résultat ne compensait pas suffisamment le mauvais effet esthétique des deux longues colonnes de tuyaux qui coupaient disgracieusement la perspective si heureuse de la galerie. Il a donc fallu renoncer à ce système de chauffage. Les deux phares sans emploi et encore en bon état de conservation risquent maintenant de se détériorer et encombrent inutilement les locaux dont nous disposons. L’Administration en avait déjà décidé la vente, mais les dimensions et la dépense en combustible de ces appareils en rendent le placement difficile et nous n’avons reçu que des offres dérisoires. M. Pochy nous avait amené un acheteur qui n’en aurait pris qu’un seul et n’en offrait que 40 fr. M. Digonnet pense que si M. Pochy lui-même voulait acquérir les deux pour 100 fr. nous ne pourrions pas trouver mieux. Le Conseil autorise la vente si M. Pochy arrive à ce chiffre. M. Digonnet expose que le legs Mariéton est toujours en souffrance et que le père du testateur étant d’un âge très avancé, les excellentes dispositions qu’il a si souvent manifestées à l’égard du Musée Calvet risqueraient de disparaître avec lui, ses héritiers pouvant avoir d’autres intentions. Le département des Bouches-du-Rhône nous contestant ce legs au nom du Muséon Arlaten, malgré la renonciation formelle de Mistral et de ses collègues dans l’administration dudit Muséon, nous avions, sur les conseils de M. Mariéton père et des exécuteurs testamentaires de son fils, entamé contre eux un procès où le département des Bouches-du-Rhône était impliqué afin de faire trancher la question par le tribunal de Bourg, domicile de Messieurs Mariéton père et fils. Mais la guerre ayant mobilisé les avocats et les avoués des deux parties, ainsi que l’un des exécuteurs testamentaires, tout est resté en suspens. M. Digonnet a appris que, par le fait des circonstances actuelles, les conseilleurs généraux d’Arles et de Châteaurenard, qui étaient les principaux instigateurs de l’opposition de leurs collègues, seraient disposés à y renoncer, moyennant une faible compensation qui avait déjà été proposée. Une démarche à ce sujet auprès de M. le Préfet des Bouches-du-Rhône serait peut-être très opportune et l’affaire pourrait être mise à l’ordre du jour d’une prochaine session qui la trancherait peut-être définitivement. Le Conseil charge M. Digonnet, qui avait eu autrefois une entrevue avec le même préfet, d’aller à Marseille pour essayer de donner une solution prochaine à cette affaire. Donation de Mme et M. Biret M. Biret demande la parole pour faire la communication suivante : ,, Messieurs et chers collègues,
Le 18 janvier 1840, Esprit Requien, en donnant au Musée Calvet ses collections d’histoire naturelle, s’exprimait en ces termes que j’emprunte au Recueil de Documents sur le Musée Calvet, pages 57 et 58 : « … Ma vie entière ayant été employée à faire des collections pour lesquelles j’ai fait peut-être plus de dépenses que mon modeste patrimoine ne me le permettait, mon opinion a toujours été que c’était folie de faire des collections pour les laisser vendre ou dilapider après soi … Ainsi donc, je vous demande, Messieurs et chers collègues, l’autorisation de faire placer dans le nouveau Musée d’Histoire naturelle, dont je pourrai sans vanité me dire le fondateur, tout ce que je possède et qui mérite d’y figurer. Je m’interdits la faculté d’en disposer par testament de manière que le Musée Calvet sois censé en avoir été propriétaire dés aujourd’hui, comme don de la main à la main, sans intervention du Gouvernement et sans laisser le moindre droit à mes héritiers naturels … » M’inspirant de cet exemple de notre illustre devancier, je donne moi aussi de la main à la main au Musée Calvet, sans intervention administrative ou gouvernementale, la collection de ferronnerie artistique et autres que j’ai formée depuis les débuts de ma carrière professionnelle. Je veux que le Musée Calvet en soit propriétaire incommutable sans que mes héritiers puissent conserver à ce sujet le moindre droit. Je mets à ce don les conditions suivantes : Ma collection sera placée à perpétuelle demeure dans une salle du Musée Calvet, sans pouvoir jamais être divisée, ni transférée dans aucune autre établissement municipal, départemental ou national sans quelque prétexte que ce soit. J’ajoute expressément cette clause que je copie dans le testament de notre fondateur Esprit Calvet : « … Rien ne sera ni prêté, ni vendu, ni transporté dans une autre collection et sans que la Ville puisse rien s’approprier ni par emprunt, ni autrement dans aucun cas … » (Documents précités. Testament de Calvet, pages 10 et 11) Calvet ajoute (page 13) : « Je me fonde sur la sagesse et le zèle de mes exécuteurs testamentaires pour l’observation de mes volontés. Eux et leurs successeurs qu’ils nommeront en détail me représenteront. La haute direction des livres et des cabinets leurs appartiendra. » Je leur demande moi-aussi d’assumer pour ma collection la même charge. Veuillez ne voir, mes chers collègues, dans toutes ces clauses et recommandations empruntées, comme vous le voyez de nos deux fondateurs, que l’expression du vif désir qui les animait comme moi-même d’assurer le plus de certitude possible la communication du fruit de leurs labeurs à nos concitoyens et aux visiteurs de notre Etablissement. Leurs sages prévisions ont garantie depuis plus d’un siècle la perpétuité et la prospérité du Musée Calvet. Permettez-moi d’associer Mme Biret au don de ma collection. Sa création et ses accroissements ont été l’objet de toute sa sollicitude. Elle partage les sentiments que je viens d’exprimer pour sa donation au Musée Calvet, veuillez donc la recevoir de sa main comme de la mienne. Avignon, le 12 novembre 1916 N. Biret ‘’ Mourizard, épouse Biret
[non signé] |